
Une forteresse sur Wikimedia Commons, dont j'ai perdu la source.
Ce billet a été publié sur Blogspot le 24 février 2011. Je le réédite aujourd’hui sur WordPress après la prestation de François Fillon sur #DPDA, qui fut très guéantiforme ; mes amies-amis, l’immigration n’est pas une malédiction, elle est d’abord un acte d’accusation porté à l’encontre de ces beaux personnages qui veulent nous faire la morale. Le texte qui suit est un extrait du tome 3 du roman Cosmicomedia qui est présenté dans la colonne de droite.
Pour commencer, voici ce que l’on dira, plus tard, de notre époque présente :
En ce temps-là, l’Europe se débattait dans les affres de la récession. Elle tâchait de sauver le peu de confort que ses habitants avaient gagné au terme de longues batailles, et qu’ils perdaient jour après jour, en acceptant d’être raisonnables et de ne pas se révolter tandis qu’on les escroquait de toutes les manières en agitant devant leurs nez grelots et matraques, désirs et culpabilités.
Dans bien des endroits situés à l’extérieur de l’Occident, la vie était infecte, puante, pleine de balles, de moustiques, de corruption et de massacres ; les honnêtes gens qui vivaient là ne rêvaient que de notre territoire, qu’ils voyaient comme un paradis, une panacée, une terre de lait et de miel. Ce que, malgré toutes ses dégringolades, il était encore un peu, puisqu’on y survivait plutôt facilement. Entre autres pays de cocagne, la France, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et l’Angleterre attiraient ainsi chaque année des dizaines de milliers d’immigrants prêts à tout risquer, puisqu’ils avaient déjà tout subi.
Souvent c’étaient les plus courageux, les plus éduqués qui s’en allaient, refusant l’esclavage dans les mines, fuyant les massacres perpétrés soit par les forces rebelles, soit par les armées gouvernementales, soit par les escadrons de quelque multinationale ; ils fuyaient le racisme des milices, le racket des gangs, la mainmise des mafias, la toute puissance d’une famille de goinfres.
Ils étaient la fine fleur du tiers-monde, ou le dernier espoir d’une grappe de déshérités accroupis dans des gravats, quelque part dans une vallée emplie de combats. Ils ne supportaient plus l’horizon de leur vie, bouché sans appel par un insurmontable colmatage fait d’impunité bien grasse et bien défendue. Ils savaient lire, écrire, compter ; ils savaient penser sans béquilles ; ils avaient des diplômes d’infirmière, de comptable, ils avaient fait des études de droit, ils étaient mécaniciens, chauffeurs de taxi-brousse, dentistes. Ils portaient sur leurs épaules les rêves de toute une famille qui s’était cotisée, saignée à fond pour offrir à leur champion le viatique, le maigre pécule, les quelques centaines d’euros – une fortune vertigineuse – qui permettrait de traverser le Sahara, la Méditerranée, le Kurdistan.
En chemin, ils étaient battus, enfermés, trompés, escroqués, torturés, volés et violés. Quelques-uns mouraient, beaucoup échouaient pour toujours dans des purgatoires : bordels, camps de travail forcé, villages d’esclaves.
Ceux qui, en Afrique, sur les routes de l’est, parvenaient à franchir le Sahara, on les mettait par centaines sur des épaves qu’on leur faisait acheter très cher, et on les lançait, comme ça, à travers la Méditerranée ; le moins empoté prenait la barre. Le moteur, une merde sans huile ni beaucoup d’essence, fonctionnait généralement juste assez pour tomber en panne loin de tout secours possible. Ceux qui parvenaient à force de chance et de volonté à poser un pied en Europe étaient véritablement des miraculés, échappés de toutes sortes d’enfers.
Sur les routes de l’ouest, d’autres reptiles sans âmes les entassaient sur des bateaux qui semblaient destinés, là encore, à sombrer, et qui sombraient généralement. Parfois, quelques-unes de ces barques dérivaient près des Canaries, et la Garde-Côtes espagnole récupérait, dans l’enchevêtrement des corps déshydratés, deux ou trois survivants marqués à vie.
Sur les routes de l’est comme sur celles de l’ouest, il arrivait cependant qu’un groupe entier d’immigrants réussît à débarquer sans drame. Ce genre d’exploit alimentait la légende selon laquelle la traversée était sans gros danger. Cependant, ils étaient, dans bien des endroits, reçus comme des chiens.
Continuons avec une brève histoire des aïeules de mes enfants :
Toutes petites, elles ont fui la terreur rouge des Bolcheviques ; l’une, on lui a tué ses parents devant elle : des bourgeois, race toxique. L’autre, parents massacrés eux aussi, elle-même suffisamment titrée pour être une cible de choix, mise en catastrophe entre les mains d’une gouvernante et jetée sur les routes, solidement lestée de bijoux, puis dépouillée, abandonnée dans une auberge sans un radis.
Mineures, déterminées à survivre, seules plus ou moins. L’histoire est confuse, les chemins s’entrelacent, des souvenirs restent bloqués, emportés aujourd’hui dans la tombe. Odessa, Istambul. Les années passent. On est danseuse de cabaret, couturière, on vibre aux rythmes des orchestres tziganes, aux fanfares allemandes. Split, Belgrade, Sarajevo. Paris. À Paris on ne les a pas refoulées.
En chemin, l’une passe quelque temps avec un architecte yougoslave, à construire des barrages pour Tito. Puis revoici la bougeote. Plus tard elle accouchera d’une fille, en France, qui sera mise en pension chez un vieux monsieur, immigré lui aussi, réfugié d’un autre ancien massacre. Voilà pour la comtesse. L’autre aussi fera un enfant, un garçon, dans une famille d’exilés où l’on est ingénieur de père en fils. Compagnie de taxis, par conséquent. Le fils fait des hautes études. Ingénieur à nouveau, comme jadis en Russie.
Mariage des deux enfants : la fille de l’une dit « oui » au garçon de l’autre ; à cette occasion, les deux dames se rencontrent. L’une aime les chiens, l’autre les chats. Alors voici Grand-mère Chien, voici Grand-mère Chat, pour toujours.
Les enfants ont des enfants. De ceux-ci naîtra ma compagne, parisienne jusqu’au trognon, et puis, tout au bout du rameau, avec moi en pièce rapportée, mes gosses. Figurez-vous que ces deux-là sont Français, comme leur mère, mais pas comme leur grand-mère la fille de madame Chat, qui, ayant un jour perdu ses papiers, fut déclarée apatride, ne pouvant prouver qu’elle était née en France. Le petit Sarkozy était alors ministre de l’Intérieur.
Il fallut tout un scandale pour faire plier la préfecture. Aujourd’hui, elle ne plierait pas, et madame se retrouverait à Moscou. Mais l’accepterait-on là-bas ?
D’Afrique on n’accepte pour ainsi dire plus rien…
Et l’on refoule à tour de bras. Jusqu’à ces derniers temps, Lampedusa refoulait en Libye. l’Europe, se débarrassant de ses clandestins dans ce riant pays, ne peux pas ignorer que les Noirs qu’on vient d’éjecter y sont parqués dans des camps abominables, qu’on vide régulièrement dans le désert. À la frontière avec le Niger, parfois les camions s’arrêtent : ceux d’entre les expulsés qui ont encore quelque argent restent à bord, mais ceux qui n’en ont plus descendent. Après ce joli tri, les camions font demi-tour, et larguent les heureux survivants dans un endroit discret, mais vivable, avant de rentrer à vide, mission accomplie.
Les organisateurs de ce beau racket ont donc, dans l’affaire, touché de l’argent, économisé beaucoup d’essence puisque les camions ne sont pas allés jusqu’à leur destination officielle, et ils s’offrent encore le petit plaisir de harceler ceux-là mêmes que les conducteurs viennent de libérer, en mettant flics ou bandits à leurs trousses. Dans ces fructueuses combines, policiers et gardiens de camps sont, dit-on, mouillés jusqu’au képi. Il y a comme ça, dans le sud libyen, une couche fossilifère en formation.

Du temps de la coopération avec notre bon ami le gardien du Sahara.
Forteresse Europe :
Elle crée de la misère au loin en soutenant des régimes abominables, et radote en même temps on ne sait quelle bêtise à propos de Droits de l’Homme. Elle extermine tous les acteurs des économies locales par diverses mesures votées dans le confort soyeux du Parlement, et refuse ensuite d’assumer les foules de fuyards que ces marmites de sorcières – qu’elle a elle-même créées et entretient – dégorgent à plein bouillon. Heureusement la muraille est là, avec ses pièges anti-personnel semés par évidemment personne, avec AQMI, avec la Libye, avec l’eau vorace de la mer, avec les camps, les mines de sel, avec les bordels perdus au milieu de nulle part.
Voyez donc le courage qu’il faut pour tenter l’aventure malgré tout, quand vous savez que la mort, qui vous a décimés à l’aller, vous massacrera au retour si vous avez la malchance d’être sélectionnés pour le Sahara.
Cette destruction des humains au fond du désert, c’était jusqu’à présent une des activités occultes du Centre d’Identification et d’Expulsion de Lampedusa ; les fonctionnaires qui désignaient tel ou tel pour le voyage en enfer ne pouvaient prétendre l’ignorer. Cependant, pour franchir le pas de la désobéissance, il leur manquait, et leur manquera toujours, d’être mis en face des ossements de ceux qu’ils trient.
Espérons que maintenant les choses évoluent, et qu’en amont de ce processus démoniaque, ceux qui nous gouvernent arrêtent de ruiner les gens au loin, avant de les faire égorger, sous le fallacieux prétexte de ne pas nous faire payer notre platine trop cher, et de soutenir les exportations du Nord en détruisant les économies du Sud. Pour cela mes amis-amies, il faut voter, et que votre bulletin soit comme un virulent coup de pied au derche de cette Europe arrogante et décatie, surpuissante et venimeuse, mais morte avant d’être née, et qu’il faut resusciter. Car notre Europe à nous les humains, ne se lèvera pas si nous, peuple de France, ne donnons pas l’exemple en nous mettant tout simplement au service de l’honneur, et de la morale de nos mères.
Sources et documentations :
Rapport Libye 2007.
Voyez page 23. D’une manière générale, le blog fortresseurope n’est pas inutile à lire ; multilingue, avec videos, textes, sons et photos, son contenu n’a pas encore été démenti.
Un livre de Fabrizio Gatti :
Bilal sur la route des clandestins. Liana Levy 2008. ISBN 978-2867464799.
Terrible constat. Nantes érige un mémorial à l’esclavage début 2012 et pourtant l’esclavage sévit, l’horrible formule des « 20/80 » d’un nommé Minc, 80 % de sacrifiés pour que survivent 20 % de nantis. C’est aussi le voeu « Bilderberg », un froid programme et sans limite quant à la casse ! On se croirait chez Candide de Voltaire tant c’est grotesque comme situation. Seul espoir, un sursaut de la multitude à la faveur d’un cataclysme quelconque. Une saturation qui fasse que la vapeur se renverse. L’histoire ne cesse de se répéter parce que l’humain est à la fois un génie et un monstre.
Belle phrase de fin ! Tiens, je m’en vais la tweeter de ce pas. En nommant l’auteure, évidemment.
En 2004, le papa de mes 2 fils ainés décida de les emmener découvrir la terre de leurs ancêtres paternels : la Pologne. Nous demandons des actes de naissances à la mairie pour les passeports.
3 semaines d’attente… rien. J’appelle, et après quelques pas de danse de postes en postes, on m’annonce que le dossier est à Nantes. Motif : le nom de jeune fille de la mère du père n’est pas rigoureusement identique à celui donné lors de sa naturalisation en 1972. Faute de frappe apparemment, mais cela suffit à lancer une enquête. Délai non communiqué pour récupérer les actes.
Le voyage en Pologne étant également un déplacement professionnel, il ne peut le retarder et part sans ses fils. Là-bas, il décide de passer dans sa ville de naissance pour avoir des documents officiels. On ne sait jamais, en cas de besoin. Ce jour là, il m’a appelé en pleurs, il venait d’apprendre qu’il était un enfant adopté, de père et mère russes. Ses parents adoptifs étant tous deux décédés avant les faits, il ne pourra jamais avoir d’explications. Je sais qu’il y pense souvent et en souffre.
Depuis 8 ans, si j’ai besoin d’actes de naissance pour mes fils, ils n’arrivent que 2 voire 3 mois plus tard. Et la CPAM me demande tous les ans d’attester de leur identité….Vive la France Forte !
Patricia, je twitte votre commentaire.
Aucun problème. Merci