L’espion Léon IV

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Pictopoésie. Le principe est le suivant : je prends une image, je l’envoie à un camarade poète qui m’en trouve un titre. À partir de ce titre, je déroule un texte, rimé ou non.
 

L’espion Léon IV

Dans l’univers pénitencier
De la finance souveraine,
Des amateurs de marjolaine,
De fruits fertiles, de bonne laine,
Mangeurs de frais, donneurs de graines,
Et pour cela objets de haine,
Terrorisaient un semencier.

Procès, griefs, exploits d’huissiers,
Éditoriaux accusateurs,
Télés à charge au vingt-heure,
Fielleux préfets, flics piétineurs,
Nuées d’avocats pinailleurs,
Sans oublier les inspecteurs…
Le marchand voulait supplicier.

Il fallait des informations.
Personne n’est jamais tout blanc.
Il y a toujours un tire-au-flanc
Qui suit la règle à contre-temps
Et manigance dans ses champs
De l’illégal, du boitillant :
Il fallait avoir un espion.

On lança un petit Léon,
Quatrième en son escadrille :
Un papillon, roi de la vrille,
Un drone en soie qu’on dégoupille
Pour épier dans les myrtilles,
À l’affût des moindres vétilles ;
Talentueux caméléon.

Le robot fila dans le vent,
Échappant à tous les oiseaux,
Évitant mille taupiniaux
Et autres crottes d’animaux
Qu’au ras du sol nos rois du bio
Tolèrent en leurs domaniaux.
Le marchand dit : « C’est dégoûtant ! »

« Qu’est-ce qu’ils font chier, ces écolos
Avec leurs hirsutes plantouilles,
Leurs mares pleines de grenouilles,
Leurs inutiles haies où grouille
Une vermine qui s’épouille.
On va pas rater ces andouilles :
Pose-toi là, près des sureaux ! »

Mais un destin des plus nocifs
Guettait le robot travesti.
Transportant un vert puantis
À base de purin d’ortie,
Un vieux zadiste en répartit
Sur la zone où Léon, blotti,
Attendait ; ce fut corrosif.

« Mon drone ! » hurla le semencier.
Léon crevait, exclamatif,
Couinait des bips répétitifs
Faisait des bulles, fermentatif,
Suivies d’un râle accusatif.
Le financier tira ses tifs :
« J’vais vous niquer, tas de sorciers ! »

« Bougnoules ! Drogués ! Gauchistes !
Puisque c’est ainsi, nous allons
Armer cinq-cent mille frelons
Qui lâcheront leurs aiguillons
Plein d’OGM dans vos melons !
Policiers, à moi ! Bousillons
Cette clique terroriste ! »

Ainsi fut fait. Car il faut bien
Qu’à la toute fin la justice
Dise son fait au subreptice
Clampin dont la vie peu factice
S’accommoderait d’interstices
Et d’une absence de notice.
La loi veut voir ramper des chiens.

En ce sinistre été 2016, alors que de toute évidence la France s’enfonce dans une folie sans mémoire, contrôlée par des crapules sans foi, sans morale et sans frein, tandis que le parti dit socialiste annule toutes ses tentatives d’organiser ses universités d’été et souille Jaurès de toutes les manières, le mouvement des Nuits Debout se rassemble, lui, en forêt de Brocéliande, sur un terrain ami, les 13,14 et 15 août pour y tenir une espèce de rencontre intergalactique d’allure puissament universitaire, estivale et politique. Il reste à savoir si la justice et la loi, la police et l’État autoriseront un tel rassemblement, constitué de gens tellement civilisés qu’ils en sont encore à honorer la morale sacrée que nos mères nous ont inculquée jadis, et dont il convient, pour être moderne, de savoir se défaire – sinon Finkielkraut grimacera des « Gnagnagna. »

Puisque je vous tiens, je ne saurais trop vous recommander les paroles de la chansons Racailles du rappeur Kery James, qui serait bien inspiré de se rapprocher de ses confrères pour nous concocter une Marseillaise mieux adaptée à notre temps que celle de la première Révolution. Il en a le talent et l’envergure, et nous avons tous besoin d’un chant pour affronter ce qui arrive en tenant haut le drapeau de l’humanité. Les éloges qu’Égalité et Réconciliation lui décernent n’y changeront rien, le gars est de gauche et ça fait du bien de l’entendre. Les lyrics du titre sont par là…

 FIN

A propos alabergerie

Lit Écrit Corrige Publie, et râle.
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